Témoignage d’un Fils d’Adhérent du lieu de paroles de Cholet
Comment en parler ? Comment expliquer cette maladie ? Comment réussir à s’en sortir quand on se sent presque au fond, prêt à couler et ne jamais ressortir la tête.
Au début de la maladie, les moments étaient très difficiles, les engueulades à la maison étaient terribles, voir mon père saoul en rentrant le soir, fatigué, hésitant sur les mots, ne sachant plus s’exprimer.
Nous étions là pour l’aider, pour qu’il s’en sorte. Puis plus le temps passait plus c’était critique, les bouteilles cachées aux 4 coins de la maison, les nuits passées dans la cave. La décision fut prise, un envoi en centre à la Roche S/Yon, une cure pour l’aider. Bénéfique ? pas sûr puisque quelques semaines après son retour malgré l’amélioration de sa personne il y a eu une rechute. Je crois que ce fut la plus terrible, je me revois un soir où mes grands -parents étaient là, obligé d’aller dormir chez eux tellement les nerfs étaient à bloc, tellement les larmes coulaient. Il était fatigué, saoul, il était fatiguant, énervant et nous faisait parfois pitié. Les mots sont durs mais reflètent cette période d’une vie où il est parfois difficile de vivre.
Enfin une dernière chance je pense, un centre à Nantes pendant 3 mois, sans sortir, sans le voir et même s’il était alcoolique, ne pas voir son père est la chose la plus dure pour des jeunes enfants. Ce centre l’a beaucoup aidé, je me souviens être venu le voir, il était bien, il lisait.
Puis son retour a marqué à jamais l’enterrement de cette maladie ; maintenant il sourit, il ne se prend plus la tête, il s’est mis à beaucoup lire, à prendre le temps de bien faire les choses. Il nous écoute mieux, il ne boit plus !!! Parfois j’ai ce petit sentiment de tristesse quand je repense au passé mais je me dit que quand je vois ce qu’il est devenu maintenant je suis fière qu’il soit mon papa parce que les efforts qu’il a fait, peu de gens ont l’audace de le faire mais lui il l’a fait pour moi, pour ma sœur, ma mère, mon frère, pour notre famille. Il a su passer du néant à la renaissance, passer d’un alcoolique à une personne sereine et gentille. Il est fort mon papa, c’est le meilleur de tous.
Exprimer ce que l’on ressent face à une personne alcoolique surtout quand elle est de notre famille n’est pas quelque chose de simple à faire, surtout pour moi.
Comme que son père boit en cachette, ça fait un choc , comme si une petite partie de notre monde parfait s’écroulait. Alors comment réagir ? Quels sentiments éprouver : colère ? pitié ? désespoir ? etc…
Pendant cette période, j’ai essayé de l’aider malgré les crises de nerfs, les bouteilles retrouvées partout, son attitude, l’agressivité, le délaissement de sa famille, l’odeur d’alcool, le refus d’aide, les promesses d’arrêt d’alcool non respectées etc…
J’ai pris sur moi pour ne pas m’énerver, ne pas craquer, en essayant de comprendre. Mais quand on essaie d’aider qles en quelqu’un et qu’il ne nous écoute pas on finit par saturer, ne plus en pouvoir et espérer chaque soir en rentrant que tout se passera bien.
Quand il a été interné de « force » j’étais soulagé parce qu’il reviendrait l’homme qu’il était et parce que pendant un bref instant il n’y aurait plus de cris, de pleurs dans cette maison. Hélas, cela n’a fait qu’augmenter la tension au sein de la famille et puis il a ouvert les yeux et il a décidé de partir en cure.
Je pense que si maman n’avait pas tenu tête à papa , que nous sommes restés, que la famille de maman le soutenait et nous aidait il ne serait pas parti de lui-même à Nantes se soigner.
Après son retour de Nantes, la réadaptation a pris du temps mais on a finit par retrouver notre esprit de famille unie même si parfois on se chamaille. Il est devenu plus attentif à nous, plus compréhensif, plus présent, comme un père. Il rigole à nouveau, se remet à jardiner, à cuisiner, à nous faire confiance, à discuter sur de nombreux sujets ; il nous aide, nous montre de l’affection surtout pour sa femme. Il est redevenu un vrai père comme tout enfant a besoin. Je crois que cette épreuve nous a un peu plus soudé tous les cinq.
Il a fait énormément d’efforts et je le félicite pour tout ce qu’il a entrepris, le chemin qu’il a suivi, sa décision de se faire aider. Je sais que si on a arrêté l’alcool depuis plusieurs mois, années ça peut recommencer alors j’espère de tout mon cœur qu’il tiendra sa promesse car au fond il reste notre père et on l’aime comme il est.